PARENTS DU SILENCE

Ce que l'on ne dit pas nous est incomplet, nous reste secret en quelque sorte.

Tant que l'histoire reste un film mental de souvenirs visuels et de sensations, elle reste cachée pour le sommet de notre conscience.

Une fois dits, les mots nous dépassent car la réalité complète prend forme devant nous.

La parole libère, expulse l'histoire hors des anfractuosités de notre corps imprimé, donne une vie totale à ce qui s'est vécu.

En attendant de pouvoir dire, heureusement la création est là...

N'en déplaise aux conceptuels, la peinture, elle, parle d'elle-même et révèle ce que les mots introuvables transpirent.

Quand je regarde mes toutes premières toiles de fleurs et de nus, je vois aujourd'hui qu'elles racontent ma quête initiale et ma réalité de vie difficile de l'époque.

Je ne voyais pas de lien jusque là. Pourtant le fil est là :

Les cœurs de fleurs prenaient vie sur mes toiles pour exprimer mon grand besoin de rapprochement avec Dieu. Elles parlent de la beauté cachée, subtile, généreuse du divin en chacun de nous.

Les corps nus de femmes aux visages noyés dans la pénombre témoignaient de l'accaparement douloureux de l'emprise psychique.

La série de fées et d'anges qui a suivi, raconte mon besoin d'évasion, hors de cette prison devenue trop familière et oppressante.

Aujourd'hui le chemin de l'abstraction pour retrouver la présence du Très Haut, quoi de mieux pour décrire le Sans Nom ! Se défaire de la narration, du connu, de la forme, pour laisser émerger l'Essence de ma vérité.

La peinture « Quand je te retrouve à l'entre-deux-souffles »* a été réalisée comme un lâché d'élastique trop tendu, en suspension maintenue autant que possible pour ressentir la présence infaillible du divin.

Et comme par magie les mots arrivent : d'abord durs, rugueux, écoeurants, putréfiés pour devenir tamisés, justes, éclaireurs, réconfortants, purifiants.

Quelle peinture va émerger après cette purge ?

Nous sommes tous parents du silence, au moins pendant un temps, souvent nécessaire, mais quand il se répand sur plusieurs générations, quelles stratégies défendons nous lorsqu'il encombre trop loin, trop fort ? Cela en vaut-il vraiment la peine ?

En attendant de pouvoir dire, heureusement la création est là...

* Ce tryptique à l'huile de 2 x 3 m sera visible lors de ma prochaine exposition à la Chapelle St Jean du 6 au 20 Juin 2024. Il vibre mieux en vrai mais tu peux avoir un aperçu ici :

https://www.gauguery.com/oeuvres/p/quand-je-retrouve-lentre-deux-souffles

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LA PEINTURE M'A SAUVÉ LA VIE